Dans une logique d’économie d’énergie, l’Aquaponie pourrait devenir le nouvel outil en vogue pour la réalisation d’aquariums écologiques.
Filtrer naturellement pour contrôler son impact sur l’environnement
L’aquariophilie est par essence : «la reconstitution d’une nature sauvage et lointaine qui transporte l’observateur, le fait rêver et le relaxe.»[1] Un équilibre tentant de reproduire des conditions naturelles, dont nous avons la responsabilité. Ce loisir ornemental développé depuis les bassins sumériens au IIIe siècle avant JC possède différentes vertus. Mais aujourd’hui, la plupart des produits accessoires de l’aquarium ont (comme un grand nombre de produits) un impact non contrôlé sur l’environnement, cette nature même qui sert de modèle à l’aquariophile attentif. Qui a déjà vu le bilan carbone d’une filtration d’aquarium ?
Or en tant que premier public de la nature et du monde marin, monde encore partiellement inconnu de l’homme s’il en est, n’est-il pas aux aquariophiles de communiquer sur l’équilibre fragile qu’ils reproduisent chez eux à la maison pour préserver celui de notre espace commun ? Est-il possible de changer certaines pratiques ancrées dans les mœurs afin de rendre ce loisir naturel cohérent avec la poursuite d’une durabilité plus globale ?
Des bassins sans changement d’eau
Depuis quelques années, une pratique d’agriculture urbaine fait parler d’elle : l’aquaponie.
Bien que le mot puisse paraître étrange lorsqu’on l’entend la première fois, la définition d’aquaponie repose comme bien souvent dans son étymologie : il s’agit de la contraction des mots aquaculture (élevage de poissons et autres organismes aquatiques) et hydroponie(culture des plantes par de l’eau enrichie en matières minérales – sans terre donc). Ainsi, en créant une circulation d’eau entre un bassin de poissons et un bac de plantes, il est possible de trouver un équilibre qui permette de faire croître les 2 populations en harmonie et en circuit presque fermé (il faut tout de même nourrir les poissons), réduisant ainsi les déchets générés.
Le principe repose sur le même cycle de l’azote qui existe dans un aquarium : l’ammoniaque issu des déjections des poissons est transformé par des bactéries (principalement situées dans le substrat au pied des plantes) en nitrates, un nutriment assimilable par les plantes et nécessaire à leur croissance. Ainsi, l’eau est enrichie par les poissons,puis purifiée par les plantes avant de revenir dans le bac des poissons.
La plupart des installations sont destinés à la production de légumes et de poissons comestibles, ce qui requiert des volumes conséquents et un suivi rapproché de l’équilibre.
De la même façon, dans un aquarium traditionnel, les trois éléments sont généralement présents : poissons (en plus faible concentration), bactéries (sur les surfaces irrégulières et les aspérités, c’est-à-dire les ‘masses filtrantes’) et plantes (aquatiques en général). Ainsi les déjections devraient théoriquement être consommées de la même façon. Mais alors pourquoi est-il conseillé de régulièrement changer l’eau dans son aquarium ?
Quelques proportions techniques
Tout est question de proportions. En réalité pour des aquariums de volume inférieur à 50 L (la majorité des aquariums achetés aujourd’hui) le nombre de plantes aquatiques est souvent insuffisant pour assurer un équilibre stable. Il faudrait ainsi en moyenne 3 plantes aquatiques en croissance pour assurer l’équilibre pour chaque poisson de type guppy (bien que cela dépende de beaucoup de paramètres bien sûr).
En comparaison, en aquaponie, les plantes ayant les feuilles dans l’air, elles grandissent plus rapidement car l’accès au CO2 nécessaire à leur croissance par photosynthèse est globalement plus facile (il y en a plus dans l’air que dans l’eau). Ceci, couplé à l’accès facilité aux nitrates directement envoyé sur les racines (et non plantées dans le sable au fond de l’aquarium), fait estimer le potentiel de filtration d’une plante en aquaponie à l’équivalent de 10 plantes aquatiques (et cela se voit à la vitesse de pousse !). Si vous suivez niveau calcul, cela veut donc dire qu’une plante en aquaponie peut assurer l’épuration pour environ 3 poissons, dans des conditions normales de nourriture bien sûr…
Les proportions ne s’arrêtent pas là, un élément autrement (sinon plus) important est la surface disponible de colonisation des bactéries. Sans rentrer dans les calculs, l’idéal est d’avoir une masse filtrante la plus importante possible pour que le maximum de bactéries puisse s’y développer et transformer les déchets issus des poissons (filtration biologique). En général, une filtration classique cherche à être la plus discrète possible donc les masses filtrantes sont moins grandes qu’en aquaponie, où des billes d’argile (ou un autre substrat) accueillent les plantes. Ainsi la masse filtrante d’un système aquaponique est en général surdimensionnée par rapport à l’aquarium. Egalement, le fait de disposer les masses filtrantes directement dans le mouvement d’eau (puisque l’eau traverse le bac de plantes), c’est favoriser l’accès à l’ammoniaque pour les bactéries, donc assurer une meilleure purification.
En résumé donc, l’aquaponie a de grandes vertus de purification de l’eau puisqu’elle dispose en grande quantité et de façon avantageuse la surface disponible pour les bactéries transformant les déjections des poissons, le tout au pied de plantes pouvant pousser plus vite que dans l’eau. Et si ces qualités sont connues de façons diverses par les aquariophiles invétérés depuis des années sans forcément appeler cela de l’aquaponie (étant donné que le but recherché est l’équilibre et non la production), le constat pour le grand public est clair : il n’existe pas de filtration naturelle et simple reposant sur ce principe !
Plusieurs systèmes d’aquaponie pour particuliers ont germé au cours des années passées, en gardant ce but de production alimentaire à la maison, mais (presque) aucun dans cette optique de simplifier l’aquariophilie dans un cadre d’écoconception cohérent. Notamment car la production alimentaire nécessite une grande densité de poissons tandis que l’aquariophile s’accordera plutôt à ne pas dépasser une certaine proportion.
Une application grand public à la noix … de coco
Il est en fait maintenant possible de trouver un produit simple d’utilisation pour les aquariums nanos (de petit volume) où l’aquaponie miniaturisée va permettre non pas de produire mais de maintenir un équilibre biologique dans son aquarium plus facilement.
Sur un petit aquarium de 20L par exemple, il est donc possible de placer à la surface de l’eau une noix de coco remplie de billes d’argile qui fait office de pot de fleur filtrant. La noix de coco et les billes d’argile sont d’excellents capteurs de bactéries. Se développant sous la forme d’un biofilm, ces bactéries vont naturellement fertiliser les déchets en nitrates, dont la plante se nourrit pour grandir.
Selon le volume et l’entretien souhaité, l’entreprise CocoPlant propose un modèle avec ou sans pompe à eau. Attention, il ne s’agit pas d’un filtre à changer, juste d’une pompe pour brasser l’eau.
Pourquoi une noix de coco ? C’est un bois imputrescible, donc parfait pour faire circuler de l’eau. De plus l’industrie cosmétique et alimentaire utilise 80 milliards de noix de coco par an pour faire de l’huile en extrayant la chair blanche. Les coquilles sont quant à elles très peu valorisées (utilisées principalement pour faire du charbon, ou jetées).
Utiliser ce matériau naturel permet donc d’éviter de produire du plastique en réutilisant un déchet naturel ! Cela diminue ainsi les facteurs de pollution liés à la production et la fin de vie du produit.
De plus, l’achat des coques génère un revenu complémentaire aux agriculteurs de cocos et crée des emplois d’insertion en France.
Alors vous laisserez-vous tenter par ce premier pas vers l’aquariophilie « verte » (mais sans algues) ?
Exemples d’aquarium nanocube réalisés en aquaponie :
A propos de l'auteur
Benoit Chartrer est un membre fondateur et pilote le projet Fishipédia. Sorti d'une formation d'ingénieur en physique, il a progressivement changé de spécialisation en se tournant vers les technologies Web. Passionné de voyage et de biologie, il tient également un compte Instagram dédié à la photographie animalière.